Mexico's Trademark Opposition System, an Article in French for Cahiers de Propriété Intellectuel
AXKATI Partner Luis Alcaraz and Of Counsel copyright expert Ana Nomen recently published an article on Mexico's recent trademark opposition system for Canadian renowned publication Cahiers de propriété intellectuelle. Find it below if you would like to read it:
Cahiers de propriété intellectuelle, Volume 29,
No 1, Editions Yvon Blais, Canada
1. Mise en contexte
Le 30 août 2016 les dernières réformes à la Loi de la Propriété Industrielle (LPI) sont entrées en vigueur au Mexique, leur objectif principal étant celui d’instaurer une procé-dure d’opposition dans le droit des marques mexicain. Jusqu’à cette date, le Mexique était l’un des rares pays qui ne comptaient pas avec un système permettant à un tiers d’intervenir dans la procédure de concession d’une marque de commerce.
Les professionnels du droit et les associations de propriété intellectuelle avaient revendiqué la création d’une procédure d’opposition depuis longtemps, mais ce n’est qu’à partir de l’adhésion du Mexique au Protocole de Madrid et de sa participation aux négociations du Partenariat transpacifique (PTP) que les autorités mexicaines ont décidé d’incorporer une telle procédure. Il convient de préciser que l’opposition n’est pas un prérequis pour faire partie du Protocole de Madrid, mais avec l’adhésion du Mexique en février 2013, les professionnels du secteur ont commencé à élever leur voix en faveur d’inclure l’opposition dans le système des marques. En outre, il est de notoriété publique que le Mexique a reçu des commentaires de la part de ses possibles partenaires au PTP à l’effet qu’il serait opportun de développer un système d’opposition aux enregistrements de marques. Finalement l’Institut Mexicain de la Propriété Industrielle (IMPI), l’Office administratif chargé des marques de commerce et des brevets d’invention, a décidé de réunir les professionnels et les associations de la propriété industrielle afin de discuter et construire un système d’opposition, et plus de deux ans plus tard le Mexique a instauré la procédure d’opposition, que cette capsule analyse et commente.
2. Caractéristiques de la procédure d’opposition mexicaine
Jusqu’au mois d’août 2016, le seul moyen pour contester l’enregistrement d’une marque était de déposer une demande en nullité devant l’IMPI une fois l’enregistrement accordé. Grâce aux réformes qui font l’objet de cet article, la LPI prévoit maintenant la possibilité que n’importe quelle personne intervienne dans la procédure d’octroi d’une marque de commerce. Il s’agit, comme on le verra, d’une procédure peu complexe et brève, comme le reflète le Décret du 1er juin 2016, qui n’a modifié que six articles de la LPI.
La nouvelle procédure est régulée de façon sommaire dans les articles 119, 120, 123 et 125 de la LPI. On pourrait la décrire ainsi :
la demanderesse dépose la demande d’enregistrement de marque auprès de l’IMPI ;
l’IMPI procède à une analyse de forme de la demande ;
l’IMPI publie la demande d’enregistrement dans le Bulletin (Gaceta) dans les 10 jours ouvrables suivant le dépôt de la demande (l’avis du Bulletin prendra effet à partir du jour suivant sa publication) ;
si une personne, physique ou morale, considère que la demande correspond à l’une des présomptions énoncées dans les articles 4e ou 90 de la LPI, elle pourra entreprendre une déclaration d’opposition dans le délai non prorogeable d’un mois à compter de la prise en effet de la publication du Bulletin ;
l’IMPI publie l’annonce de l’opposition dans le Bulletin dans les 10 jours ouvrables suivants ;
la demanderesse peut formuler par écrit les considérations qui lui conviennent dans le délai d’un mois à compter de la publication du Bulletin ;
entre-temps, l’IMPI procède à l’analyse de fond de la demande d’enregistrement et peut l’admettre ou la refuser (il faut noter que pendant cette analyse l’IMPI peut aviser la demanderesse s’il y a des objections à la demande, et la demanderesse peut y répondre afin de surmonter les objections de l’examinateur) ;
l’IMPI communique à l’opposante les détails du titre d’enregistrement de la marque objet de la tentative d’opposition ou bien du refus à l’enregistrement.
La Loi ne s’étend pas davantage, mais elle nous éclaire sur quelques-unes des carac-téristiques de la procédure. Notamment, elle spécifie que :
a) n’importe quelle personne pourra présenter une demande d’opposition tant que celle-ci se fonde sur les articles 4e ou 90 de la Loi ;
b) l’opposante éventuelle doit présenter la déclaration d’opposition par écrit et l’accompagner des documents qu’elle estime convenables et le reçu justificatif des frais de dépôt réglementaires ;
c) la procédure d’opposition ne suspend pas la procédure de demande d’enregis-trement ;
d) la procédure d’opposition ne confère pas le caractère de personne intéressée à l’opposante dans la procédure de demande d’enregistrement ;
e) la formation d’une déclaration d’opposition ne préjudiciera pas l’analyse de fond de l’IMPI sur la demande d’enregistrement ;
f) si la demanderesse souhaite rectifier les irrégularités à sa demande d’enregistre-ment en modifiant ou remplaçant la marque proposée, elle devra présenter une nouvelle demande d’enregistrement.
Pour leur part, les articles 4e et 90 de la LPI établissent les motifs sur lesquels peut se fonder une procédure d’opposition, lesquels sont résumés ci-après pour une lecture plus informative de cette capsule :
4e : L’IMPI ne pourra admettre l’enregistrement ni publier « [...] aucune figure ou institution juridique régie par cette loi quand ses contenu ou forme sont contraires à l’ordre public, à la morale et aux bonnes mœurs ou qui portent atteinte à une prescription légale ».
90 : I. Éléments dynamiques ; Noms techniques ou d’usage commun ; Formes tridimensionnelles dans le domaine public, d’usage commun, non originales ou qui répondent à la forme habituelle ou fonctionnelle d’un produit ou service ; Dénominations descriptives ; Lettres, chiffres ou couleurs isolés; Traductions dans d’autres langues, variations orthographiques capricieuses ou construction artificielle de paroles non enregistrables ; Reproduction ou imitation non autorisée d’écussons, drapeaux ou emblèmes ; Reproduction ou imitation de signes ou cachets officiels de contrôle ou garantie ou moyens officiels de paiement ; Reproduction ou imitation de noms ou représentations graphiques de médailles ou prix ; Dénominations géographiques, cartes, gentilé, noms et adjectifs qui indiquent la provenance d’un produit ou service ; Dénomination de populations ou endroits qui se caractérisent pour la fabrication de certains produits ; Noms, pseudonymes, signatures et portraits de personnes non autorisés ; Titres d’œuvres, publications, personnages, noms artistiques non autorisés ; Marque susceptible de tromper le public ou de l’induire en erreur ; XV. Marque identique ou similaire à une marque que l’IMPI estime ou a déjà déclarée notoire au Mexique ; XVbis. Marque identique ou similaire à un degré qui prête à confusion par rapport à une marque que l’IMPI estime ou a déjà déclarée renommée ; Marque identique ou similaire à un degré qui prête à confusion par rapport à une autre marque antérieurement produite ou à une marque enregistrée ; Marque identique ou similaire à un degré qui prête à confusion par rapport à une dénomination commerciale.
Les frais de dépôt pour entreprendre une procédure d’opposition sont de 4.331,12 pesos mexicains, ce à quoi il faudra ajouter les frais d’avocats et les coûts associés à la préparation des documents et preuve qui puissent correspondre. Une première lecture de la procédure mexicaine, spécialement à la lumière du droit comparé, nous permet d’apprécier que l’IMPI a cherché à instaurer un système simple et bref, qui n’entrave pas la procédure d’enregistrement d’une marque et qui est plus accessible économi-quement qu’une procédure en nullité.
3. Réception de la nouvelle procédure d’opposition parmi les professionnels du droit des marques
La création d’un système d’opposition, tel que mentionné, a fait l’objet d’une pétition majoritaire de la part des professionnels de la propriété industrielle depuis longtemps avant que le Mexique n’ait adhéré au Protocole de Madrid en 2013. Ainsi donc, l’instauration de la procédure d’opposition a été reçue avec une satisfaction généralisée. Cependant, c’est dans les détails que l’on trouve les nuances, les lumières et les ombres d’un système qui tenait à cœur aux nombreux professionnels qui ont participé à des comités et discussions pour élaborer le système le plus adéquat aux nécessités du système de marques mexicain.
Les éloges à la procédure d’opposition ci-haut nous renvoient avant tout à la nature même de cette procédure, c’est-à-dire le fait que, finalement, les ayants droit ou autres intéressés pourront intervenir quand une demande d’enregistrement portera atteinte à leurs droits ou intérêts. Il s’ensuit que dorénavant l’IMPI disposera de marques dépo-sées plus solides et, sur ce point, les professionnels du secteur approuvent. L’IMPI, le gouvernement et les cabinets d’avocats espèrent que ce virage constituera à son tour un facteur qui donnera confiance et encouragera les investissements étrangers. Il est intéressant de remarquer qu’au Mexique les demandes d’enregistrement de marques augmentent chaque année, les demandes ayant augmenté en 2015 de 12,5 % en comparaison avec l’année 2014.
De même, les professionnels et ayants droit apprécient le fait que cette procédure soit considérablement moins onéreuse du point de vue économique mais aussi celui des ressources et du temps par rapport à la procédure en nullité.
Finalement, cette procédure, dynamique, rapide et simple, répond aux priorités de l’IMPI, qui a voulu parier sur un système qui n’entraîne pas d’étapes supplémentaires à l’enregistrement d’une marque. Le Mexique s’enorgueillit d’être l’un des pays les plus rapides dans l’octroi d’une marque et la procédure d’opposition discutée ici n’a pas compromis cette efficacité.
Malgré tout, il faut bien voir « le revers de la médaille » et c’est précisément la rapidité de la procédure, ou plutôt les carences qu’elle a forcément causées, qui a été mise en doute dans le secteur. Ces carences se manifestent quand on procède à une analyse plus méthodique de la Loi.
En effet, la LPI établit que l’IMPI publiera dans le Bulletin les déclarations d’opposition, c’est-à-dire que l’Office ne contactera pas directement la demanderesse pour l’informer de cet acte. Ceci pose une grave question à propos des garanties de la procédure, particulièrement si les droits à la défense et à être entendu sont respectés. À un niveau pratique, cela implique forcément que les ayants droit qui sont intéressés à protéger leurs intérêts devront investir dans un système de surveillance. À ce propos, l’IMPI conteste que, même si la demanderesse n’a pas connaissance de la formation d’une opposition, l’examen au fond de l’examinateur détectera tout obstacle à l’enregistrement, ce qui apparemment dépendra exclusivement des capacités de l’IMPI puisque la Loi indique clairement que la formation d’un acte d’opposition ne préjudiciera pas au résultat de l’examen au fond de l’IMPI. Ceci ne fait que réaffirmer les doutes légitimes par rapport au manque de garanties que cette procédure comporte pour les citoyens.
Ainsi donc, l’on découvre que l’IMPI, voulant préserver la rapidité de ses procédures, a choisi un système qui n’offre pas les garanties souhaitables et qui, à la rigueur, favorise les corporations avec des portefeuilles de marques importants ou les grands cabinets qui pourront se permettre d’impartir ou d’investir dans des systèmes de surveillance.
De plus, d’autres voix critiques ont signalé que cette procédure, au nom de la rapidité, n’a pas prévu la possibilité que la demanderesse et l’opposante puissent régler leur différend au moyen d’une médiation, d’une période de conciliation (cooling off) ou un autre système similaire. Les délais sont si courts qu’il serait difficile pour les parties impliquées de mener à terme une négociation amiable.
La brièveté des délais pose aussi des problèmes pour les ayants droit étrangers ou pour une partie qui ne serait pas contactée ou ne pourrait réagir à temps. Il est davantage compliqué pour une opposante ou une demanderesse de présenter une opposition ou la contester puisque, si elle retient les services d’un avocat, elle devra accréditer sa personnalité juridique avec toutes les formalités nécessaires. Ceci signifie qu’il faut présenter un pouvoir notarié et, dans le cas d’un client étranger, légalisé ou apostillé. Cette charge pour la demanderesse ou l’opposante est non seulement difficile à réussir dans le délai d’un mois que la Loi établit, mais elle est aussi incongrue avec le fait que cette condition n’est pas requise pour formaliser une demande d’enregistrement.
Toutes ces considérations ont fait que quelques voix considèrent que, indépendamment du fait que l’instauration de l’opposition soit un événement positif et désirable, le système aurait pu être plus sophistiqué et assurer plus de garanties aux impliqués, à plus forte raison quand le Mexique a pu étudier, comparer et estimer les systèmes que les autres pays ont mis en place et profiter de leurs expériences. Malgré ce fait, l’IMPI a choisi de créer un système light ou abrégé qui présente des avantages mais implique aussi trop de risques pour les parties impliquées.
Conclusion
Après avoir analysé les caractéristiques de la procédure d’opposition au Mexique et les considérations théoriques que celle-ci a suscitées, la conclusion est unanime : l’introduction d’un système d’opposition représente un pas en avant. Elle aidera à éviter des contentieux coûteux en terme de procédure de nullité et donnera l’opportunité à un ayant droit de protéger ses intérêts face à une demande d’enregistrement de marque qui pourrait l’affecter. À ce stade, il ne reste qu’à attendre et observer comment les premières procédures d’opposition se dérouleront et les critères que l’IMPI développera et appliquera dans son exécution.
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